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TFC : la Thérapie Fondée sur la Compassion

TFC : la Thérapie Fondée sur la Compassion

 La Thérapie Fondée sur la Compassion (TFC) est développée au Royaume Uni depuis une vingtaine d’années par le Professeur Paul Gilbert, Professeur de Psychologie Clinique (NHS Research Unit, Kingsway Hospital, Derby, Royaume-Uni). Il est l’auteur de nombreuses publications et ouvrages scientifiques, publiés en anglais pour la plupart. Un de ses ouvrages essentiels Mindful Compassion a été traduit en 2015 en français par le professeur Pascal Delamillieure et le Docteur Francis Gheysen (Pleine conscience et compassion : approches théoriques et applications pratiques chez Elsevier-Masson). Le développement de la TFC est particulièrement vigoureux dans les pays anglo-saxons avec des applications dans le domaine de la clinique, des psychothérapies, de l’entreprise et des systèmes de santé. 

 La TFC est une approche multimodale, qui s’étaye sur les thérapies cognitivo-comportementales, en offrant une place prépondérante au Mindfulness (Pleine Conscience) et à une dimension de compassion spécifique. On peut considérer ainsi que la TFC s’intègre à la troisième vague des psychothérapies et qu’elle attache la plus grande importance au travail avec les émotions, en particulier les émotions difficiles comme la peur, la tristesse, la colère et la honte. Cette nouvelle approche intégrative empreinte principalement des éléments à la psychologie de l’évolution, à la théorie de l’attachement et à des processus psychologiques dérivés des neurosciences, de la psychologie clinique et sociale ( Gilbert, 2010, 2017). En TFC, la compassion se définit comme une motivation innée qui a évolué à partir du système de motivation des mammifères qui leur permet de prendre soin de leur progéniture et qui a orienté les humains vers une sensibilité à leur propre souffrance et à celle des autres doublée d’un engagement à la soulager et la prévenir (Gilbert & Choden, 2013 ; Gilbert, 2019a, 2019b ; Matos & Steindl, 2020). En pratique la TFC comporte deux volets essentiels dénommés psychologies de la compassion. La première psychologie est liée à la motivation à s’engager avec la souffrance, plutôt que de s’en détourner et la seconde psychologie quant à elle est centrée sur l’action permettant d’aider à la soulager et à la prévenir.

 Depuis une dizaine d’années, de nombreuses études cliniques ont été effectuées démontrant l’efficacité de la thérapie fondée sur la compassion, et de manière plus générale des interventions basées sur la compassion ( Kirby, 2017a, 2017b, 2019) . Elles démontrent que globalement, la TFC :

  • diminue les scores d’anxiété et de dépression,

  • améliore le niveau de détresse psychologique,

  • développe les capacités à la pratique de la Mindfulness et de la compassion vis-à-vis de soi-même vis-à-vis des autres,

  • diminue de manière capitale le niveau de honte et d’autocritique.

Des études d’imagerie cérébrale sont réalisés parallèlement ( Kim, 2020) pour mettre en évidence des corrélations entre les effets clinique des interventions basées sur la compassion et des réseaux neuronaux spécifiques.

 

 Par ailleurs, des données issues de la psychologie évolutionniste nous enseignent que le cerveau humain dispose d’au moins trois systèmes de régulation des émotions qui interagissent entre eux :

  • Un système centré sur les menaces qui permet de prendre des décisions rapides pour échapper au danger et qui était destiné à l’origine à favoriser la survie de l’espèce (médié par la noradrénaline et les corticostéroïdes).
     

  • Un système centré sur les instincts et les besoins, dévolu au développement de l’espèce (nourriture, reproduction, expansion géographique, plaisir, excitation) médié par la dopamine.
     

  • Un système centré sur l’apaisement et l’affiliation, support du développement affectif de l’espèce, médié par l’ocytocine et les endorphines.

 

 L’apport de la TFC ( Gheysen & Delamillieure, 2020) consiste à développer de manière spécifique le fonctionnement du système centré sur l’apaisement et l’affiliation, ce qui permet au sujet d’éprouver une sensation de sécurité, étape indispensable pour asseoir et agir la motivation pour la compassion pour soulager et prévenir la souffrance. L’activation de ce système d’apaisement et d’affiliation par un certain nombre d’exercices spécifiques - notamment centrés sur la respiration, tel le rythme respiratoire apaisant- facilitera pour le sujet le fait d’éviter de fuir dans l’hyperactivité ou de se sentir trop menacé par son monde interne ou externe. En un mot, de permettre au sujet de passer du mode « pilotage automatique », du mode exclusif "de faire" au mode “être” et d’apprécier le fait d’être vivant instant après instant, tout en cultivant la motivation pour la compassion pour soi-même et pour les autres.

 

 La Thérapie Fondée sur la Compassion est une psychothérapie intégrative ( Gheysen & Delamillieure, 2020) prenant en considération l’être humain de manière globale, dans toutes ses dimensions : psychique (en particulier cognitive et émotionnelle), physique, sociale et de pleine conscience. Elle constitue une synthèse inédite de la psychologie occidentale, de la méditation de pleine conscience et des neurosciences. La Mindfulness (pleine conscience), l’acceptation et la compassion constituent le cœur de cette approche novatrice permettant d’améliorer son rapport à soi et au monde.

 

 En termes d’indications, la TFC a été développée en premier lieu pour des patients souffrant de problèmes psychiques complexes et souvent chroniques (Gilbert, 2010, 2013, 2017), dominés par l’intensité de la honte et de la critique envers soi-même, ces patients ayant le plus souvent des antécédents personnels de maltraitance et/ou de carences psychoaffectives. La TFC est une approche transdiagnostique et dépathologisante, évitant au maximum de stigmatiser celui ou celle qui y a recours. Il s’agit de développer les capacités du sujet à découvrir des stratégies d’apaisement, une position de sécurité et une attitude compassionnée envers soi-même et envers les autres. Elle intéresse des patients présentant différents types de pathologies. A titre d'exemples : troubles anxieux, dépressifs, bipolaires, troubles de la personnalité ou des conduites alimentaires, difficulté à gérer le stress ou les émotions.

 

 Pourquoi la TFC ? Les patients qui ont subi des expériences traumatiques importantes présentent souvent un niveau élevé de pensées, de croyances et d’émotions négatives à type de honte et de critiques dirigées vers soi-même, ce qui peut constituer un obstacle pour les approches thérapeutiques classiques( Kolts, 2016 ; Gheysen & Delamillieure, 2020). Dans certains cas, la honte ressentie peut bloquer un processus thérapeutique pendant plusieurs années ( Gilbert, 2010 ; Gilbert & Choden, 2013). Il peut être difficile pour ces patients de percevoir les pensées alternatives proposées dans le cadre de la thérapie, comme étant utiles. Par exemple :     « je sais que ce n’est pas de ma faute, mais le fait de le savoir ne m’aide pas. Je me sens toujours aussi coupable ». Pour que la pensée alternative soit perçue comme utile, il est souhaitable qu’elle puisse s’articuler avec une émotion positive, comme le fait « d’être quelqu’un qui soit susceptible d’être aimé pour ce qu’il est » (dans l’esprit des autres et aussi et surtout dans le sien), ce qui peut permettre au sujet de parvenir à une position de plus grande sécurité émotionnelle, à partir de laquelle l’engagement dans une stratégie de changement devient envisageable et réaliste (Gilbert, 2010 ; Gilbert et Choden, 2013).

 

 En pratique, pour que le processus thérapeutique fonctionne avec des tels patients, il convient de parvenir à une congruence entre l’émotion et la pensée. Cette congruence peut être difficile à obtenir chez les sujets qui ont peu de souvenirs d’expériences émotionnelles positives. Certaines personnes peuvent ainsi considérer qu’elles n’ont pas le souvenir que « quelqu’un ait jamais porté un regard bienveillant sur elle ». Le travail en TFC se propose en associant des séances de Mindfulness avec des éléments d’imageries guidées (Gheysen & Delamillieure, 2020), de permettre aux patients de (re)construire une image d’eux-mêmes plus positive, empreinte de bienveillance et de compassion, qui permettra aux idées alternatives d’être davantage acceptées, car s’étayant peu à peu, au fil du travail thérapeutique, sur des émotions positives. Elle vise également de modifier les systèmes de régulation des émotions, afin de permettre, chaque fois que possible, une congruence entre émotions et pensées alternatives, susceptible de permettre au sujet d’entrer dans une authentique stratégie de changement, tout en bénéficiant d’une véritable position de sécurité émotionnelle. La TFC, c’est aussi un style thérapeutique où le comportement non verbal du thérapeute joue un rôle très important : débit verbal, ton de la voix, position proximale, capacité à supporter la souffrance chez l’autre (Gilbert, 2010 ; Gilbert & Choden, 2013 ; Kolts, 2016).

 

 Au total, la TFC est une authentique psychothérapie du XXIe siècle (Gilbert, 2019b), intégrative, considérant l’être humain dans sa triple dimension bio-psycho-sociale. Elle postule en dernier lieu qu’un changement authentique et durable sur le plan psychologique ne peut s’obtenir que par une modification des systèmes neuro physiologique sous-jacents, en permettant particulier une bascule du système sympathique prédominant, vers la libération de l'activité du système parasympathique permettant de s'apaiser, d'être en sécurité, motivé(e) pour cultiver la compassion pour soi même et pour les autres et à même de mieux intégrer notre fonctionnement émotionnel.

Quelques références bibliographiques :

Gheysen, F. & Delamillieure, P.  (2020). Pratiquer la Mindfulness Basée sur la Compassion et l’Insight (MBCI) en 34 Fiches, édité par Francis Gheysen et Pascal Delamillieure, 3‑6. Paris: Elsevier Masson. https://doi.org/10.1016/B978-2-294-75486-9.00001-2.

 

Gilbert, P., & Choden 2013). Mindful Compassion. London. UK : constable-Robinson

 

Gilbert, P., Choden, Cottraux J., Delamillieure, P. & Gheysen, F. (2015). Pleine conscience et compassion: approches théoriques et applications thérapeutiques. Issy-les-Moulineaux; 2015: Elsevier-Masson, 2015.

 

 

Gilbert, P. (2017). Compassion: concepts, research and applications. 1 Edition. London ; New York: Routledge, Taylor & Francis Group

 

Gilbert, P. (2019 a). Explorations into the nature and function of compassion. Current Opinion in Psychology, 28,108 – 114. https://doi.org/10.1016/j.copsyc.2018.12.002

 

Gilbert, P. (2019b). « Psychotherapy for the 21st Century: An Integrative, Evolutionary, Contextual, Biopsychosocial Approach ». Psychology and Psychotherapy: Theory, Research and Practice 92, no 2 : 164‑89. https://doi.org/10.1111/papt.12226.

 

Kim, J., Cunnington, R., Kirby, J. , (2020). The neurophysiological basis of compassion : an fMRI meta-analysis of compassion and its related neural processes.

 

Kirby, J. (2017a). Compassion Interventions : The Programmes, the Evidence, and Implications for Research and Practice. Psychology and Psychotherapy : Theory, Research and Practice 90, no 3 : 432‑55. https://doi.org/10.1111/papt.12104.

 

Kirby, J., Tellegen, C. L., & Steindl, S. R. (2017b). A Meta-Analysis of Compassion-Based Interventions: Current State of Knowledge and Future Directions. Behavior Therapy 48, no 6 : 778‑92. https://doi.org/10.1016/j.beth.2017.06.003.

 

Kirby, J., Day, J., Sagar, V. (2019). The ‘Flow’ of compassion: A meta-analysis of the fears of compassion scales and psychological functioning. Clinical Psychology Review, 2019 - Elsevier

https://doi.org/10.1016/j.cpr.2019.03.001

 

Kolts, R. (2016). CFT made simple : a clinician’s guide to practicing compassion-focused therapy. Made simple series. Oakland, CA : New Harbinger Publications, Inc.

 

Matos, M., & Steindl. S. (2020). You Are Already All You Need to Be : A Case Illustration of Compassion‐focused Therapy for Shame and Perfectionism. Journal of Clinical Psychology 76, no 11 : 2079‑96. https://doi.org/10.1002/jclp.23055.

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